2006 "Le Jardin Enchanté" : Le premier jardin partagé de Paris

Réalisations

11 of May, 2020


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"Le Jardin Enchanté" : Le premier jardin partagé de Paris depuis 2006

Voir la vidéo : https://drive.google.com/file/d/1ATITUZiKYtv3eKbV7R0_88bHmWL2PZSe/view?usp=drive_web

C’est en 2004 que Sophie Alexinsky découvre une parcelle de 270 m² composée d’une pelouse entourée de grilles et d’une haie de lauriers persistants au pied d’une tour, Place des fêtes dans le 19ème arrondissement de Paris. La place est de triste réputation, considérée comme une « cité », un quartier chaud de la capitale. Ce minuscule espace « de verdure » attenant à une haute tour de 18 étages est la propriété de Paris Habitat mais n’est utilisé par personne car fermé et inaccessible.  Rien ne s’y passe, alors que 100 appartements le dominent directement. Près de 350 personnes vivent sur cette parcelle d’une densité hors du commun sur 1380m², soit près de 3000 habitants à l’hectare. Une densité supérieure à celle de Séoul…Et, là, un espace sans autre usage que de se faire tondre 4 fois par an par les services de la mairie de Paris. Aucune biodiversité, le gazon et la haie de laurier n’étant autre que le degré zéro de la « verdure », petite pastille de vert résiduelle conservée par défaut, pour obéir à des règles d’urbanisme des années 1960, peu soucieuses à de rares exceptions près, de l’environnement et du développement durable sous couvert d’hygiénisme et d’ilot ouvert, les espaces étaient souvent stériles. Habitante de la Place des Fête et concernée de par son métier d’urbaniste et de paysagiste, Sophie Alexinsky enquête auprès de certains locataires de l’immeuble avec qui elle a établi un contact positif pour savoir comment il serait possible d’investir le lieu et le transformer en « jardin partagé ». Non pas un jardin « ouvrier », car sur une si petite surface il n’est pas pensable de créer des parcelles individuelles, (il y a moins d’un m²par habitant) mais un véritable jardin partagé, le jardin de la maison Ribière, partagé entre tous les habitants de l’édifice. En effet, motivée par cette découverte d’un espace vacant, elle s’insurge contre son inutilité. Et elle convainc plusieurs locataires que l’idée pourrait s’étudier. Il faut créer une « amicale » pour cela, et bien soit, avec Sylvie, Bernard et deux autres, ils réunissent le quorum nécessaire à la création de l’Amicale Ribière 3. Rien de très poétique pour l’instant, mais un cadre qui permet de discuter avec les instances administratives de Paris Habitat et de la Mairie de Paris. Rapidement le projet prend forme au sein de l’Amicale, la paysagiste dessine l’espace souhaité en fonction des usages, de l’ombre, de la lumière. Elle souhaite que ce jardin soit vraiment comme une petite « madeleine de Proust » pour chacun, que chacun puisse venir s’y réfugier, planter une bouture ou un arbuste, veiller au murissement de quelques tomates ou fraises, observer les concombres, chasser les limaces, comme dans le jardin perdu ou trop éloigné des grands parents. Faire découvrir aux enfants que non les radis ne poussent pas en barquettes, qu’on peut cueillir une tomate, s’enivrer de son odeur et la partager avec son petit frère ou voisin. Observer la croissance des roses de Noël, goûter un abricot mur, car oui même à Paris ils peuvent être divinement juteux. Et surtout, se rouler dans l’herbe de l’espace central, lire à l’ombre du tilleul, inviter ses amis à partager un gouter, un repas, sur le joli salon de jardin en ferronnerie qui avait été acheté pour l’esthétique du jardin et pour le confort de tous.

La philosophie de cet espace est très particulière car elle entend créer une bulle harmonieuse à l’échelle de l’être et aussi un lieu de ressource pour ceux qui aiment « cultiver leur jardin », offrir cette possibilité à tout un chacun.

Arriver à convaincre les responsables et une grande partie des habitants ne fût pas une sinécure, l’équipe a entendu toutes les légendes urbaines sur les gangs, la drogue et même les dangers de retourner la terre qui serait polluée de seringues toxiques, mortelles... Un autre scénario étant que ce lieu était investi secrètement par des trafiquants et qu’il y aurait une vendetta si l’on touchait à leurs buissons d’approvisionnement et de stockage de matériel.

Malgré tous ces obstacles d’une objectivité empreinte de désespoir, la détermination des membres de l’amicale, qui croyaient fermement au projet, a fait fi des mauvais augures et des mauvaises langues. Il fallut une année de palabres mais l’accès à la parcelle fût autorisé, les subventions récoltées et les premiers achats de matériel de jardinage et de confort réalisés. Les âmes jardinières y apportèrent des boutures de leurs campagnes et lieux de vacances, d’autres venaient travailler la terre, arroser, tailler ou simplement observer et se détendre.

Le pari était gagné, l’espace conquis, à chacun de le faire vivre dans le respect des autres.

Souvent les passants s’étonnaient en voyant l’activité tranquille qui se déroulait dans cet oasis au pied de la tour, comment avez-vous fait pour concrétiser ce rêve ? Nous avons divulgué la méthode : repérer un lieu, vouloir l’investir et monter le projet et surtout ne jamais croire que c’est impossible. Depuis 2006 des centaines de jardins partagés ont éclos dans tout Paris, investissant chaque espace sous utilisé. Jusqu’aux toitures !

Anecdotes :

C’est le lieu de réunion pour la fête des voisins, pour les œufs de pâques, pour l’arbre de Noël, pour des anniversaires ou simplement des retrouvailles entre amis-jardiniers.

Un jour à la cueillette des lavandes, un jeune passait par là, un de ceux qui feraient trop vite un personnage des fameuses légendes urbaines. Nous lui avons tendu cinq brins de lavande, il est reparti tout heureux, un sourire si authentique et détendu aux lèvres, presque sautillant.

Le rire d’un enfant de 3 ans qui croque dans une tomate bien mûre qui l’éclabousse.

Les premières escapades des bébés, à quatre pattes dans une herbe non souillée.

Le thé à la menthe du jardin, le rosé, les brownies… partagés entre voisins.

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